Élections municipales 2020 à Poitiers, un an après : derrière Léonore Moncond'huy, une équipe au style collectif

Avec la vague verte, l'élection de Léonore Moncond'huy replace Poitiers sur la carte de France politique. Le style collectif de la municipalité déstabilise autant qu'il enthousiasme. Lors des premières réunions de travail, les équipes découvrent des élus "accrochés à leur portable". [SERIE 2/3]

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En ce début juillet 2020, une sensation de flottement persiste dans les couloirs de la mairie. Le second tour des élections municipales il y a quelques jours seulement vient de sacrer la victoire de la liste Poitiers Collectif. L'équipe du maire sortant, Alain Claeys, n'a pas vu la défaite venir et tombe de haut, d'autant que la prolongation de son mandat de quelques semaines en raison de la pandémie de Covid-19 (qui a contraint les autorités à décaler le second tour), a semblé imposer l'idée d'une simple période de transition. Les anciens élus sont encore dans les murs. En ces lendemains d'élection, il faut ranger ses affaires à la hâte. La liste nouvellement élue, elle, attend de prendre possession des lieux, pour l'instant logée "dans un bureau en bas", se souvient Léonore Moncond'huy.

Dès le lendemain du vote, Alain Claeys réunit l'ensemble des chefs de service. L'ambiance est solennelle. Pour la première fois depuis 1977 et l'élection de Jacques Santrot, Poitiers change de couleur politique, du rose socialiste au vert écologiste. Il s'agit pour le maire sortant de préparer la transition. Face aux cadres, il remercie et donne une consigne. "Je leur ai dit le plus clairement possible de mettre leurs compétences au service de la nouvelle équipe avec une loyauté absolue", assure-t-il.

Vider les bureaux à la hâte

Pendant ce temps, les adjoints vident leurs bureaux. Dans les couloirs, on entend la broyeuse à papier parfois activement fonctionner. Si l'image est négativement connotée, d'anciens élus relativisent. "On amasse beaucoup de documents au cours d'un mandat, certains ne servent plus à rien", explique François Blanchard, ancien adjoint aux sports de l'équipe Claeys, aujourd'hui conseiller municipal, à la tête du groupe Poitiers à taille humaine (PS). "Mais les documents qui appartiennent à la communauté, utiles à l'administration, sont restés à la disposition de la nouvelle équipe", assure-t-il.

On nous a chassés de certains bureaux. Ils n'ont pas été très élégants mais ils se sont ensuite excusés. 

François Blanchard, ancien adjoint d'Alain Claeys

D'autres élus ont, en revanche, déjà libéré leur bureau. Au nom du renouvellement, ils ne faisaient pas partie de la liste que présentait Alain Claeys. C'est le cas de Patricia Persico. Jusque-là adjointe au commerce, elle apprend assez abruptement, la veille de la publication de la liste, qu'elle n'est pas renouvelée. Elle vit ainsi la période de transition de loin. "J'avais pris un peu d'avance", se souvient-elle. "Comme je n'avais pas été conviée à participer à la liste, et que je ne souhaitais pas partir sur une autre liste, je savais que je ne serais de toute façon plus élue, j'avais donc rangé mes affaires." La broyeuse à papier ? "J'ai effectivement entendu dire qu'elle avait fonctionné mais je ne l'ai pas constaté de mes propres yeux." 

Le mercredi 30 juin, Alain Claeys rencontre la tête de la liste élue de Poitiers Collectif, Léonore Moncond'huy, pour un échange au cours duquel, dit-il, "je pense avoir trouvé les mots dignes pour que la transition se passe dans les meilleures conditions."

Si les deux parties décrivent une transition pacifique, elle a tout d'abord été émaillée de quelques incidents. "On nous a chassés de certains bureaux", se souvient François Blanchard. "Ils sont arrivés en nous disant de prendre nos affaires. Ils n'ont pas été très élégants mais ils se sont ensuite excusés", précise l'élu pour qui la page est désormais tournée.

Des agents de la mairie, à des postes dits "sensibles", politiquement, des chefs de service par exemple, craignent de devoir eux aussi partir et appréhendent déjà les prochains échanges avec la nouvelle équipe. Mais le mot d'ordre est différent. Léonore Moncond'huy maintient à leurs postes celles et ceux qui souhaitent poursuivre leur collaboration avec son équipe. "Ils m'ont clairement dit que si je souhaitais rester, j'étais le bienvenu", assure ainsi Paul* qui occupe depuis, toujours son même poste. En revanche, l'un de ses collègues, qui s'était à titre personnel investi dans la campagne de l'ancien maire, choisira de partir vers de nouveaux horizons. Au fil des mois, plusieurs visages changeront pourtant, à des postes-clés, à la direction générale des services, à la direction de la communication ainsi qu'à la tête de l'office du Tourisme.

La nouvelle équipe qui arrive aux affaires se trouve alors, de l'aveu même de Léonore Moncond'huy, portée par le sentiment d'avoir sa "place pour imposer (sa) marque dès le début."

Des contacts avec l'ancienne équipe

Dans les jours qui suivent, elle entame des contacts avec d'anciens élus. Patricia Persico est sollicitée courant juillet 2020. "C'était très informel", se souvient-elle. La rencontre avec les nouveaux élus se fait "en terrasse" et sont évoqués, des dossiers liés à son ancienne adjointure. "J'ai donné les grandes lignes", poursuit-elle sans pour autant rentrer dans le détail. Puis elle précise : "l'exercice était libre, la nouvelle équipe en a fait ce qu'elle a voulu ensuite." Pour elle, "l'exercice" allait de soi. "On est élu pour le compte des Poitevins", rappelle-t-elle. "J'ai transmis mes infos." François Blanchard évoque lui aussi des échanges avec Léonore Moncond'huy pour "passer le relais sur mes dossiers".

On a vu la nouvelle équipe s'installer à un coin de table, l'ordinateur portable sur les genoux. 

Gilles*, cadre à la mairie

La période d'installation des nouveaux élus voit aussi émerger le style Poitiers Collectif. "On a vu la nouvelle équipe s'installer à un coin de table ou dans un coin de couloir, l'ordinateur portable sur les genoux", raconte Gilles*, cadre à la mairie. "On n'aurait jamais vu l'ancienne équipe travailler comme ça, sur un coin de table". L'anecdote n'est pas juste liée à la période, forcément particulière, de tout début de mandat, ce mode de travail sur le pouce incarne dès le début du mandat une marque du fonctionnement de la nouvelle équipe, plus jeune, dont la moyenne d'âge avoisine les 40 ans.

"On a découvert une équipe qui, je dirais, ne savait pas comment fonctionne une mairie mais qui a tout de suite eu la bonne attitude", poursuit Gilles, à la sortie d'une réunion de travail en septembre 2020. "Je veux dire que l'on savait tous qu'ils découvraient le fonctionnement de la mairie et ils nous ont dit : 'Voilà ce que l'on aimerait faire, ce vers quoi on aimerait aller, comment doit-on s'y prendre ? Comment peut-on procéder ?' Cette attitude-là a été très appréciée des équipes."

Léonore Moncond'huy concède dès les premiers jours apprendre "sur le tas". Lors de ses premiers conseils municipaux, elle le redit ainsi, dans un large sourire : "On apprend en faisant". Quelques temps après, elle précise sa pensée : "Quand on est arrivés, on a ressenti de la bienveillance et une volonté des services de nous accompagner (...) pour tout ce qui est protocole, fonctionnement interne..."

Dans les échanges avec la nouvelle équipe, il est ainsi souvent question de "bienveillance", de la part des uns et des autres, mais aussi comme idéal de gouvernance de la nouvelle maire, avec la concertation et l'exemplarité. 

Yann*, un agent de la mairie, confirme l'état d'esprit constructif de ce début de mandat. "On a vu les élus aller à la rencontre des agents, se présenter, parler." Puis il observe une courte pause. "Pour certains, c'était nouveau. Depuis des années qu'ils travaillaient à la mairie, ils n'avaient encore jamais eu le moindre contact avec un élu."

Travail en collectif

Les équipes découvrent alors une nouvelle génération "accrochée au téléphone portable!", note Gilles.

"C'est un peu déstabilisant", témoigne-t-il, en prenant conscience que le fonctionnement de la mairie est sur le point de basculer vers de nouvelles pratiques.

Vu qu’ils fonctionnent en collectif, il n’était pas toujours clair pour l’administration si la décision était prise ou pas…

Gilles, cadre à la mairie de Poitiers

"Il est vrai que voir ces nouveaux élus suspendus à leurs écrans et s’interroger au moindre tweet, oui, c’est surprenant." Rien à voir avec la culture de la maison. En réunion, alors que l'heure de trancher arrive, dans les premières semaines, les participants s'interrogent : "Mais qui prend la décision ?", lâche Gilles dans un sourire interloqué. "Vu qu’ils fonctionnent en collectif, il n’était pas toujours clair pour l’administration si la décision était prise ou pas…", poursuit-il. "Avant, c’était simple. C’était le maire." C'est-à-dire Alain Claeys.

Ce mode de fonctionnement "en collectif" se précise au fil des semaines. "Avec l'ancienne municipalité, il y avait une descente verticale de la commande", note Thierry*, agent à la mairie depuis plus d'une dizaine d'années.

"Il y a effectivement un changement de méthode", poursuit-il. "On sent que nos élus aboutissent d'abord dans leur travail collectif avant de le présenter aux agents. Le projet arrive à nous avec déjà beaucoup de réflexion." Ce que Dominique*, cadre à la mairie désigne ainsi : "Ils sont dans le faire ! (...) Habituellement, c'est à nous de faire. L'élu nous dit ce qu'il souhaite voir réalisé et les services se mettent au travail. Parfois, il y a quelques incompréhensions sur la méthode, et administrativement, ça peut être compliqué à gérer."

"Effectivement, on déstabilise parfois les services", note Jean-Louis Fourcaud, retraité et élu en charge des questions de voirie dans la nouvelle municipalité. "Certains attendaient ça, d'autres non. C'est un ressenti qui me parait probable, oui. On a des jeunes qui ont des idées, des compétences techniques aussi et ils veulent avancer. Forcément, il y a un réajustement, mais la volonté de travailler avec les services demeurent. C'est important de travailler avec eux."

Cette patte collective, Charles Reverchon-Billot la décrit comme une volonté d'"aller vers une décision au consensus". Il confirme qu'il est "rare que la maire arbitre de manière verticale."

Thierry observe lui aussi une nette évolution qui ne semble pas lui déplaire. "Oui, ils raisonnent en groupe. C'est parfois particulier parce qu'ils ne sont pas tous d'accord mais je trouve que ça donne un travail plus réfléchi."

Un "collectif d'entre soi" ?

Dans les faits, un an après, le petit groupe de 53 citoyens qui constituaient Poitiers Collectif reste toujours proche de l'équipe municipale élue. La réflexion se poursuit avec eux. Les sujets sont débattus et construits avec l'ensemble, donc même avec ceux qui n'ont pas été élus et qui savaient d'emblée qu'ils ne se trouveraient pas en position éligible. Poitiers Collectif reste ainsi une association dont l'objectif est de poursuivre la réflexion et d'accompagner les élus dans leur tâche. Leur mode de fonctionnement suit les préceptes "de l'éducation populaire", c'est-à-dire d'un accompagnement du travail en groupe qui permet d'analyser et d'élaborer collectivement.

"Les méthodes d'éducation populaire ne sont pas une recette miracle", précise Charles Reverchon-Billot, aujourd'hui adjoint en charge de la culture. "Mais, c'est dans notre logiciel."

Rétrospectivement, avec les règles sanitaires en vigueur tout au long de la première année du mandat, "la difficulté à ne pas pouvoir se réunir en présentiel complique les choses mais, oui, le travail collectif se poursuit", assure Jean-Louis Fourcaud qui, ce jour-là, évoque un prochain séminaire d'élus qui doit se tenir  toujours "selon (ces) méthodes de l'éducation populaire" qui, selon les nouveaux élus, ont fait le succès de leur démarche pendant la préparation de la candidature et la campagne.

"Aux réunions de préparation de la campagne venaient d'une fois à l'autre des gens différents. On avait parfois un tiers de renouvellement dans l'assistance", se souvient Charles Reverchon-Billot. La méthode, estime-t-il, a permis "de mettre en mouvement les personnes qui venaient aux réunions. Je crois que les gens se sont sentis accueillis, concernés et écoutés dans leurs prises de parole" et dans la construction du programme alors encore en devenir.

Au bout d'un an, je ne vois pas vraiment de changements. Il y a la pandémie mais on ne voit pas en quoi le Covid a empêché de faire des choses. 

Pascal Canaud, liste Osons Poitiers 2020

Accompagner la réflexion collective, la manière a surpris. Alain Claeys, maire sortant, a ainsi "l'impression d'un collectif d'entre soi". Poitiers Collectif met en avant une gestion transversale des dossiers, qui selon l'ancien maire se révèle "certes indispensable", car  "les sujets s'entremêlent tellement que sans transversalité on ne pourrait pas bien travailler. Mais ensuite, il faut pouvoir être vertical et trancher", assène-t-il.

Depuis le mois de septembre, moment à partir duquel il a finalement pris la décision de sièger au conseil municipal, le maire sortant se plait à aider quand on le sollicite. Ainsi, lui et Léonore Moncond'huy "se parlent" ponctuellement et encore tout récemment dans le courant du printemps 2021 "sur des dossiers qui concernent la mairie", des dossiers "qui me paraissent importants", dit-il en éludant les détails d'un geste de la main.

Pascal Canaud, engagé avec Osons Poitiers 2020, l'autre liste écologiste emmenée par Christiane Fraysse (1) et avec laquelle Poitiers Collectif a refusé de fusionner au second tour, observe et analyse avec intérêt le mandat de l'élue verte. "Au bout d'un an, je trouve qu'on ne voit pas vraiment de changement", estime-t-il. "Bien sûr, il y a la pandémie de Covid, donc on verra vraiment à la rentrée. En même temps, on ne voit pas non plus en quoi le Covid a empêché de faire des choses."

Pour ce militant, engagé aux côtés de Christiane Fraysse depuis 2014, "l'un des enjeux dans l'avenir sera de savoir si Poitiers Collectif va parvenir à associer les habitants à (ses) choix". Il insiste : "Les habitants ont l'espoir d'être consultés."

Anthony Brottier, tête de liste Ma Priorité c'est Vous (LREM) aux municipales, aujourd'hui conseiller municipal d'opposition et vice-président de Grand Poitiers en charge des sports, note qu'au bout d'une année persiste "un vrai delta entre les mots et les actes" des nouveaux élus écologistes. "Quand il y a une concertation, elle se fait de manière dématérialisée, en numérique. Elle n'existe pas pour les citoyens. Il va falloir prendre un virage important sur les questions de démocratie locale."

L'élu macroniste de 36 ans constate qu'un "certain nombre de décisions sont prises sans concertation". Il prend pour exemple la question de l'éclairage public. La municipalité verte a saisi l'opportunité du couvre-feu à 18h pour expérimenter, dans certains quartiers populaires, l'extinction nocturne de l'éclairage public, de 22h à 5h du matin. Anthony Brottier regrette que "les associations (de quartier, de femmes) n'aient pas été interrogées" avant. "Elles l'ont appris par la presse...", se désole-t-il, trouvant lui aussi dans cet exemple, une forme "d'entre soi dans le collectif". 

La nouvelle majorité n'aurait ainsi "de collectif que le nom", selon les mots de François Blanchard qui juge que ce "collectif" se résume à "un cabinet politique autour de la maire qui décide tout alors qu'ils avaient fait campagne sur la concertation."

Quel collectif à Grand Poitiers ?

A Grand Poitiers, la manière de fonctionner des nouveaux élus, souvent vice-présidents ou conseillers délégués, interpellent aussi les élus des 40 communes associées. Si Léonore Moncond'huy a choisi de laisser la présidence de la communauté urbaine à Florence Jardin, maire de de Migné-Auxances, certains, comme Anthony Brottier, estiment "ne pas se faire d'illusion" sur qui gouverne réellement l'agglomération.

"A Grand Poitiers, Léonore y est allée avec ces mêmes méthodes d'éducation populaire", se souvient Jean-Louis Fourcaud. "Certains maires ont été scotchés, étonnés et aussi ont bien marché dans ces méthodes-là; ça fonctionne. On a changé l'ambiance à Grand Poitiers où Imperator décidait de tout avant. C'était 'vous marchez et vous la fermez'. Là, on travaille, on s'écoute. Je suis assez admiratif de cette écoute et de la prise en compte de tout le monde." Au bout d'une année de mandat, Jean-Louis Fourcaud juge l'expérience "vraiment intéressante".

Florence Jardin reconnaît que Léonore Moncond'huy, en tant que vice-présidente (en charge des contractualisations, des relations partenariales, de la participation citoyenne et de la coopération décentralisée), "a sa méthode de travail", mais elle rappelle dans un sourire que "les méthodes de travail de Poitiers sont celles de Poitiers. Les méthodes de travail de Grand Poitiers sont celles de Grand Poitiers et c'est plus moi qui impulse". Elle le dit posément et rappelle que "le pacte de gouvernance, c'est moi qui l'ait proposé et qui le conduit sur Grand Poitiers". Ce pacte donne notamment à chaque instance un rôle "réaffirmé", "en redonnant un peu plus de pouvoir aux bureaux, de choix de délibérations par exemple, pour alléger le conseil communautaire de façon à ce qu'il devienne une vraie instance de débats", et "on a renforcé (...) la proximité et la déconcentration" avec la création annoncée de "comités locaux" et des "assemblées citoyennes".

Aujourd'hui, je constate que le scénario est le même (que sous l'ère Claeys) et que seul le générique est différent.

Christophe Chappet, maire de Saint-Sauvant

Mais, toutes les communes n'y trouvent pas encore leur compte. Ainsi, le budget de Grand Poitiers n'a pas été voté à une large majorité. Depuis, dans la manière de faire émerger des consensus ou de nourrir le débat des points de vue des différents maires de l'agglomération, le système "collectif" semble se heurter à ses limites. "Quand on fait des ateliers participatifs avec tout le temps les mêmes qui participent, et de la même obédience, forcément, on obtient le résultat qu'on espérait dès le début", remarque Christophe Chappet, maire de Saint-Sauvant, l'une des communes rurales incluses dans Grand Poitiers. Pour lui, l'enjeu est désormais "que les autres (maires) soient entendus". Il note un changement positif : "On peut s'exprimer", mais il ajoute : "Reste que les sujets sont déjà choisis." Pour cet élu sans étiquette, la question centrale de la confiance dans la nouvelle équipe est loin d'être acquise. "Si les gens sont plus sympathiques, plus collectifs, la distribution des rôles par exemple est restée très opaque." Il explique : "Un collaborateur de Mme Moncond'huy m'avait contacté pendant la campagne en me demandant notamment ce que je reprochais le plus au système Claeys. Et bien, aujourd'hui, je constate que le scénario est le même et que seul le générique est différent. (...) On n'a même pas pu candidater à une vice-présidence ou à un poste de conseiller délégué", faute d'avoir pu être présent au moment de la décision. L'élu se veut lucide : "Il faut faire partie du sérail" pour figurer "au bureau". "Et si on n'y figure pas, c'est difficile ou pas possible d'agir sur les sujets" mis à la discussion.

"Les élus et les habitants ont la sensation de participer au pot commun sans véritable retombée visibe", poursuit Christophe Chappet, dont la commune a intégré Grand Poitiers en 2017. Pour lui, jusqu'à présent, que ce soit avec l'ancienne majorité ou avec la nouvelle, quand il arrive avec une demande "on nous explique toujours que c'est ni le moment, ni le lieu" alors que lorsqu'il s'agit de "donner les augmentations de taxes, on le fait". L'élu estime qu'il faut "que l'on ait quelque chose de visible qui vienne de Grand Poitiers". Sur les questions de mobilité par exemple ou sur la piscine d'été, une installation communautaire que, selon lui, l'ancienne mandature peinait à soutenir. "L'ancienne majorité nous faisait comprendre que les jours de la piscine étaient comptés, alors que c'est important l'été! Elle coûterait trop cher, mais le TAP (Théâtre auditorium de Poitiers) et l'aéroport aussi coûtent cher!" Au bout d'un an, cet élu d'une commune rurale ne voit pas encore le changement arriver, alors qu'il "ne demande pas de constructions nouvelles mais qu'on nous permette de maintenir en état ce qui existe !"

Le reproche vis à vis de la méthode ne transparaît pas encore dans la bouche des agents. À son poste de travail à la mairie, Thierry juge un an après l'expérience "épanouissante", au point de reprendre à son compte (par inadvertance ?) l'un des préceptes mis en avant par la nouvelle maire. Il dit ainsi évoluer dans un environnement "bienveillant". "J'aime ce que je fais", reprend-il. Au contact des élus, "je sens qu'il y a une bonne écoute", ajoute-il. "Les analyses que l'on formule sont prises en compte. En tout cas, c'est ce que je ressens maintenant" avant de pondérer son propos: "Je ne sais pas si je vous dirai encore la même chose dans cinq ans, on verra."

Alors qu'elle fête sa première année aux affaires, la nouvelle municipalité poursuit ses premiers projets autour de la transition écologique. Ses choix, elle le sait, sont désormais tous scrutés de près. La vague verte en France étant l’une des leçons des scrutins municipaux, le nombre d'articles dans la presse nationale et les demandes d'interview dans les matinales des radios s'enchaînent et viennent soudainement replacer Poitiers sur la carte de France politique. Désormais, la moindre petite phrase est susceptible d'être montée en épingle, par l'opposition et surtout au-delà des frontières de la ville.

* les prénoms ont été modifiés à la demande de nos interlocuteurs.

(1) Christiane Fraysse s'est depuis retirée de la vie politique et n'a pas souhaité s'exprimer.

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